Les design tokens, c’est quoi au juste ?
Les design tokens sont des variables nommées qui stockent des valeurs visuelles : couleurs, espacements, polices, ombres, rayons de bordures. Ils forment la base d’un langage visuel partagé entre designers et développeurs. Plutôt que de copier-coller des hexadécimaux comme #FF0000 partout dans le code ou les fichiers Figma, on utilise des noms intelligents comme primary-action ou error-state. C’est cette abstraction qui rend tout plus flexible, plus scalable, et surtout, plus cohérent.
Avant les tokens, chaque équipe réinventait la roue. Un bouton rouge sur une page, un bouton bordeaux sur une autre, une marge de 12px ici, 16px là. Les corrections prenaient des jours. Aujourd’hui, avec les tokens, tu changes une seule valeur - et tout le système s’ajuste automatiquement. C’est comme changer la température dans toute la maison en modifiant un seul thermostat.
Comment l’IA a transformé les design tokens
Entre 2022 et 2024, l’intelligence artificielle a révolutionné la façon dont les tokens sont créés et gérés. Avant, un designer devait ouvrir Figma, repérer chaque couleur, chaque espacement, et les nommer manuellement. Cela prenait des heures. Aujourd’hui, des outils comme le Token AI Assistant de Figma (sorti en décembre 2024) analysent automatiquement un fichier de design, identifient les motifs répétés, et proposent des noms sémantiques pour les tokens avec 89 % de précision.
Imagine que tu as 87 boutons dans ton interface. L’IA détecte que 73 d’entre eux utilisent la même teinte de bleu. Elle propose alors un token brand-primary. Tu valides, et c’est fini. Plus besoin de débats interminables sur le nom du bleu. Plus besoin de chercher dans 27 fichiers CSS différents pour corriger une erreur.
Ces systèmes ne se contentent pas de nommer. Ils génèrent aussi les fichiers de code : CSS, Swift, XML, JSON. Ils synchronisent les tokens avec Figma en temps réel. Et ils appliquent les règles d’accessibilité WCAG 2.2 automatiquement. Si une couleur ne passe pas le contraste requis, l’IA te le signale avant même que le développeur ne touche au code.
Les tokens primitifs vs les tokens sémantiques
Pour bien utiliser les tokens, il faut comprendre la différence entre deux niveaux : les primitifs et les sémantiques.
- Les tokens primitifs sont les blocs de base :
#252525,16px,400(pour la police). Ce sont des valeurs brutes, sans contexte. - Les tokens sémantiques, eux, disent ce que ça représente :
color-background,spacing-medium,font-weight-bold. Ce sont des instructions pour l’interface, pas des chiffres.
Le lien entre les deux est crucial. Un token sémantique comme color-background pointe vers un token primitif comme #FFFFFF pour le mode clair, et #121212 pour le mode sombre. Quand tu changes le mode, tu ne touches pas aux boutons, aux cartes ou aux menus. Tu changes juste la valeur du token color-background. Tout le reste suit.
C’est cette séparation qui permet de créer des thèmes en un clic. Light mode ? Dark mode ? Couleur de marque verte au lieu de bleue ? Tu modifies un seul endroit. Pas 50.
Thématisation : le pouvoir des modes
La thématisation, c’est la capacité d’un système à s’adapter à différents environnements. Le plus courant : le mode clair et le mode sombre. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi les thèmes d’entreprise (ex : une version bleue pour un client, une version rouge pour un autre), les thèmes d’accessibilité (haute contraste, réduction du mouvement), ou même les thèmes saisonniers (noël, été, etc.).
Avec les tokens, tu définis des modes. Chaque mode contient une version différente des tokens primitifs. Le système sait automatiquement quelles valeurs appliquer selon le contexte. Material Design 3, lancé en 2021, a popularisé cette approche. Aujourd’hui, 23 % des applications Android utilisent déjà le système de Dynamic Color Tokens de Google, qui génère automatiquement une palette accessible à partir d’une seule couleur de marque.
Et l’IA rend ça encore plus puissant. Elle peut analyser les préférences des utilisateurs, détecter l’heure de la journée, ou même le type d’appareil, et proposer un thème optimal sans qu’on le demande. Une application de santé peut passer en mode haute contraste automatiquement si elle détecte que l’utilisateur a activé l’accessibilité sur son téléphone.
Avantages réels : ce que les équipes gagnent
Les entreprises qui ont adopté les tokens avec IA enregistrent des gains concrets :
- 73 % de réduction des incohérences visuelles dans les interfaces (UXPin, 2023)
- Passage de 3 à 5 jours à moins de 12 heures pour le passage design → développement
- 68 % de gains en cohérence pour les systèmes avec plus de 50 composants
- 78 % des retours positifs sur G2 citent « cohérence multi-plateforme » comme principal avantage
Sur Reddit, un designer a raconté avoir réduit le temps de mise en place d’un nouveau thème de deux semaines à trois jours. Pourquoi ? Parce que l’IA avait déjà suggéré 80 % des noms de tokens corrects. Plus de conflits sur les noms. Plus de retours en arrière.
Les développeurs adorent ça. Moins de confusion. Moins de « mais dans le fichier Figma, c’était différent ». Les designers aussi. Moins de travail manuel. Plus de temps pour créer, pas pour corriger.
Limites et pièges à éviter
Les tokens avec IA ne sont pas une solution magique. Ils ont des limites.
La première : ils ne comprennent pas la marque. Ils voient des couleurs, des formes, des espacements. Mais ils ne sentent pas l’âme d’une marque. Si tu veux que ton application transmette de la chaleur, de la confiance, ou de la modernité, il faut un humain pour guider l’IA. Sinon, tu finis avec des interfaces génériques, toutes pareilles.
David Herring, chercheur en UX, l’a dit en 2024 : « Une surdépendance à l’IA risque d’homogénéiser les systèmes de design et de faire perdre l’expression de marque. » 37 % des responsables de systèmes de design partagent cette crainte.
La deuxième limite : la courbe d’apprentissage. Les outils comme Style Dictionary (un projet open-source très populaire) sont puissants, mais difficiles à configurer. 23 % des utilisateurs sur GitHub ont eu des problèmes avec l’intégration aux anciens systèmes. Et les designers non techniques trouvent souvent les tokens trop techniques. 41 % des critiques sur G2 mentionnent la complexité comme principal frein.
La troisième : pour les petits projets. Si tu as moins de 10 composants, configurer un système de tokens avec IA prend plus de temps que de le faire à la main. L’automatisation ne vaut le coup que quand la complexité augmente.
Comment bien commencer
Si tu veux passer aux tokens avec IA, voici la méthode la plus efficace :
- Commence par les tokens primitifs. Listes toutes les couleurs, espacements, polices que tu utilises déjà. Pas de noms sémantiques pour l’instant. Juste des valeurs.
- Crée les tokens sémantiques. Associe chaque valeur à un rôle :
color-primary,spacing-large, etc. Sois cohérent dans la nomenclature. - Active les modes. Crée au moins un mode clair et un mode sombre. Teste. Vérifie que tout s’adapte.
- Intègre l’IA. Utilise Figma Variables ou un plugin comme Figma Tokens. Laisse l’IA proposer des noms. Valide ou corrige. Ne l’accepte pas aveuglément.
- Documente et forme. Écris une petite fiche de 3 pages pour expliquer comment utiliser les tokens. Fais une session de 30 minutes avec ton équipe. Les non-techniciens doivent comprendre ce que signifie
color-text-primary.
La plupart des équipes réussies passent 2 à 4 semaines à mettre en place ce système. 60 % du temps est consacré à la configuration initiale. Le reste, c’est de l’automatisation pure.
Le futur : où va tout ça ?
En 2026, selon Forrester, 65 % des tokens seront générés par l’IA, contre seulement 28 % aujourd’hui. Les outils vont devenir plus intelligents. Adobe prévoit « Project TokenFlow », qui synchronisera les tokens entre Figma et le code en temps réel, comme si tu écrivais du CSS en direct dans Figma.
Les tokens vont aussi devenir plus dynamiques. Pas juste clair/sombre. Mais adaptés à l’heure, à la météo, au niveau de luminosité de la pièce, ou même à l’humeur de l’utilisateur (si les capteurs le permettent).
Et les réglementations ? Les systèmes de tokens vont intégrer de plus en plus les normes d’accessibilité. En 2024, 31 % des grandes entreprises les appliquent déjà automatiquement. Bientôt, un token qui ne respecte pas WCAG 2.2 ne sera même pas accepté dans le système.
Le grand défi ? Ne pas laisser l’IA prendre le contrôle. Les tokens sont un outil pour renforcer la créativité, pas la remplacer. Le meilleur système de design n’est pas celui qui automatise tout. C’est celui qui permet à l’humain de se concentrer sur ce qui compte vraiment : l’expérience, l’émotion, la marque.
Les outils à connaître en 2025
- Figma : leader du marché avec 58 % de part. Ses Variables et son Token AI Assistant sont les plus matures.
- Adobe XD / Project TokenFlow : en développement, promet une synchronisation fluide avec le code.
- Style Dictionary : open-source, puissant, mais complexe. Bon pour les équipes techniques.
- Zeroheight : plateforme dédiée à la documentation des tokens. Très appréciée par les grandes entreprises.
- Material Design 3 : le référentiel de Google, avec ses tokens dynamiques et accessibles.
En résumé
Les design tokens avec IA ne sont pas une mode. C’est la nouvelle norme pour les systèmes d’interface à grande échelle. Ils résolvent les problèmes les plus chroniques des équipes design : incohérence, lenteur, perte de temps. Mais ils ne remplacent pas les designers. Ils les libèrent.
Si tu utilises encore des fichiers CSS manuels, des noms de couleurs aléatoires, ou des guides de style imprimés, tu perds du temps. Et ton produit en paie le prix.
Le futur appartient aux équipes qui utilisent des tokens pour créer des systèmes flexibles, accessibles, et cohérents - avec l’IA comme assistant, pas comme chef.